Cass. 30 juin 2021 - Obligation de délivrance et réception du public. |
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RÉSUMÉ
« La clause du bail commercial qui limite la charge des réparations incombant à la bailleresse à celles résultant de la vétusté ne peut la décharger de son obligation de maintenir le local commercial en état de servir à l'usage prévu et d'exécuter les travaux de sécurité qu'impose notamment la réception du public. ».
COMMENTAIRE PAR JEHAN-DENIS BARBIER
La Cour de cassation rappelle le contenu de l’obligation de délivrance qui pèse sur le bailleur.
En l'espèce, les locaux étaient loués à usage d'habitation pour l'étage et de café-restaurant pour le rez-de-chaussée.
Or, il résultait d'une expertise que les locaux n'étaient pas conformes à leur destination, qu'il aurait fallu, pour la sortie de secours, poser un nouveau bloc autonome avec une nouvelle barre anti-panique, que la cuisine était trop petite et que sa mise en sécurité supposait le remplacement du chauffe-eau gaz par un chauffe-eau électrique, et que la sécurité incendie imposait la pose d'une porte pare-flammes à fermeture automatique ainsi qu'un doublage des parois pour avoir un degré coupe-feu 1 heure, etc.
La Cour d'appel avait relevé que le bail mettait à la charge de la bailleresse exclusivement les travaux imputables à la vétusté et elle en avait conclu que les autres travaux ne pouvaient lui être réclamés.
La Cour de cassation censure en rappelant qu'aucune stipulation contractuelle ne peut décharger la bailleresse de son obligation de délivrance et notamment que la clause limitant la charge des réparations incombant à la bailleresse à celles résultant de la vétusté ne peut la décharger de son obligation de maintenir le local commercial en état de servir à l'usage convenu.
Cet arrêt confirme une jurisprudence bien établie. Le bailleur ne peut s'exonérer de son obligation de délivrance par une clause interdisant au preneur tout recours pour vice caché ou apparent[1].
De même, la clause selon laquelle le preneur prend les locaux dans l'état où ils se trouvent ne peut pas décharger le bailleur de son obligation de délivrance, au regard de la mise aux normes de l'installation électrique[2].
Est également inefficace la clause mettant à la charge du preneur la mise en conformité des locaux avec la réglementation[3].
La Cour de cassation précise notamment que le bailleur doit exécuter les travaux de sécurité qu'impose la réception du public.
Il paraissait utile de rappeler cette jurisprudence dans la mesure où, à la suite des décrets qui ont déclaré les locaux commerciaux inaccessibles à la clientèle en raison de la pandémie de Covid 19, certaines juridictions ont estimé que l'obligation de délivrance se limitait à la remise de quatre murs et que la réception du public ne concernait pas les obligations du bailleur, ce qui est évidemment erroné[4].
[1] Cass. 3e civ. 18 mars 2009, n° 08-11.011, Administrer mai 2009, p. 33, note J.-D. Barbier.
[2] Cass. 3e civ. 20 janvier 2009, n° 07-20.854, Gaz. Pal. 5 mai 2009, somm. p. 30, note C.-E. Brault.
[3] Cass. 3e civ. 19 décembre 2012, n° 11-28.170, Gaz. Pal. 20 avril 2013, p. 19, note J.-D. Barbier, Sur l’obligation de délivrance, voir J.-D. Barbier et C.-E. Brault, Le Statut des baux commerciaux, LGDJ, éditions 2020, p. 14.
[4] Sur l’accessibilité des locaux au public, voir également Cass. 3e civ. 30 juin 2021, n° 17-26.348, Administrer octobre 2021.
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